Les signataires de cette Déclaration observent avec inquiétude les conséquences de la succession des crises économiques, migratoire, sanitaire et énergétique en Europe et dans le monde, ainsi que les guerres dévastatrices qui nous entourent. Ces défis s’accompagnent d’une crise plus large des valeurs dans l’espace européen, qui remet en cause les principes et les institutions démocratiques.

En tant qu’acteurs intellectuels, religieux et politiques, chacun de nous, partisans de la vision européenne, nous sentons appelés à contribuer à une redéfinition du cadre des priorités pour un avenir durable de l’Europe. Le concept de démocratie participative et la garantie de la participation la plus large possible des citoyens au processus décisionnel et à la gestion des affaires européennes sont d’une importance vitale. Durant la Conférence sur l’avenir de l’Europe, nous avons clairement remarqué qu’une grande partie des citoyens, qui regardent avec confiance l’avenir européen à travers le prisme des valeurs chrétiennes, se sentent maintenant marginalisés, car ils n’ont pas la possibilité d’exprimer leurs positions et leurs opinions de manière autonome et distincte. Nous remarquons également l’exclusion de toute référence appropriée aux valeurs chrétiennes dans les textes importants de l’UE. Cela montre de manière manifeste que l’importance de la tradition chrétienne en tant que milieu d’origine des valeurs européennes actuelles se trouve négligée. Précisément en cette période préélectorale, nous exprimons, en tant que chrétiens, notre volonté d’établir un dialogue politique substantiel et approfondi qui serait également l’occasion de signifier notre ferme attachement aux valeurs européennes et à l’acquis de l’UE.

Nous notons avec regret que des valeurs qui étaient autrefois considérées comme évidentes, telles que la paix, la stabilité et la prospérité, et l’état de droit plutôt que le règne du pouvoir, sont désormais piétinées. L’insécurité et la peur dominent une grande partie des opinions des citoyens concernant l’avenir de l’Europe et du monde. La peur pousse certains d’entre eux à chercher des solutions et un soutien spirituel dans une version objectivée et instrumentalisée de la tradition, parfois déguisée en un attrait pour les « valeurs traditionnelles ». Dans de tels cas, les concepts de « patrie » et de « religion » sont utilisés comme des armes et des figures historiques douteuses sont transformées en héros. Tout cela se déroule dans un espace public divisé, de plus en plus caractérisé par la polarisation et influencé par la désinformation diffusée sur les réseaux sociaux numériques. Cela éclipse le dialogue et sape la réception modérée de l’opinion des experts et le désaccord respectueux, ainsi que les principes des sociétés démocratiques. Nous remarquons fréquemment la réalité de monologues parallèles, ainsi que le développement de groupes communautaires fermés dans lesquels des opinions dépourvues de pensée critique et de contre-arguments sont créées et diffusées.

Dans un tel environnement, et compte tenu de la période préélectorale, nous pensons que le leadership européen et les factions politiques sont appelés à repenser leurs discours en fonction des tendances à long terme qui caractérisent le processus d’intégration européen. Les valeurs chrétiennes, partagées par une grande part des citoyens européens, peuvent garantir une approche sûre des changements et des défis auxquels nous sommes confrontés. Il serait utile, sinon essentiel, que les factions européennes prennent en compte les valeurs chrétiennes dans la politique européenne, en particulier en ce qui concerne les questions cruciales et dans un paysage politique d’usine à gaz où les citoyens se trouvent particulièrement inquiétés par tout changement ou modification de norme.

À cette fin, nous exprimons notre attachement à travailler ensemble, de manière dynamique et inclusive, pour promouvoir un programme européen positif qui s’inspire des valeurs
chrétiennes. Pour ce faire, nous appelons à renforcer et à concrétiser le dialogue ouvert et régulier avec les Églises qui est prévu par le Traité de Lisbonne. Nous appelons les groupes politiques des institutions européennes, les partis politiques et les candidats au Parlement européen à :

A. Reconnaître les valeurs chrétiennes comme un fondement principal du projet européen en mettant en œuvre plus largement l’article 17 (3) du Traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne concernant un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les Églises et les associations religieuses ;

B. Lutter contre l’instrumentalisation des valeurs chrétiennes pour des intérêts politiques et dans la perspective de discours ethno-raciaux ;

C. Promouvoir les valeurs chrétiennes dans les programmes politiques et les campagnes préélectorales.

Commission des Épiscopats de l’Union européenne
Conférence des Églises européennes
Assemblée interparlementaire sur l’orthodoxie
Tous ensemble pour l’Europe